Korowai - Fête du Sagou
On l’appelle la « fête du Sagou », mais c’est plutôt la « fêtes des capricornes » que l’on devrait l’appeler. C’est en effet à l’occasion de ces rassemblements que de grosses quantités de larves de capricorne sont consommées en particulier chez les Korowai.
Pour que la fête ait lieu il faut que les palmiers sagoutiers aient poussés en nombre suffisant pour se permettre de les abattre et de les laisser pourrir à la plus grande joie des capricornes dont les larves vont les infester en l’espace de quelques semaines.
L’évènement ne s’improvise donc pas et ne peux pas avoir lieu très souvent compte tenu du nombre de sagoutiers qui font les frais de l’opération. D’habitude les palmiers nourriciers ne sont abattu qu’un à un, au rythme des semaines, pour fournir le féculent de l’alimentation de base des Papous des plaines.
Une abondance d’arbres à maturité est donc rare, mais c’est l’occasion pour les heureux habitants de la zone prolixe, d’organiser un rassemblement des différents clans voisins et même plus lointain pour un banquet de larves de Capricornes.
Pour des gens qui ont un sens très approximatif du temps qui passe, il leur faut donc s’organiser.
Une grande maison doit donc être construite (au sol). Elle servira d’hébergement pour les invités et de lieu pour les échanges et discutions.
Il faut envoyer des invitations : sans écriture et sans calendrier, le système utilisé est simple. Des coursiers sont envoyés chez les différents clans, porteurs d’un morceau de bois piqué de branchettes dont le nombre représentent les jours qui séparent la remise du bout de bois, du déroulement des festivités. En retirant une branchette chaque jour, ils savent quand ils doivent se rendre sur place.
La fête où nous avons été accueillis était organisée par le clan des Hanaï-Koroway à une journée de marche du village de Basman. Notre participation avait été « négociée » quelques mois avant par notre guide indonésien qui s’était rendu préalablement sur place.
Quand nous sommes arrivés, les Korowai avaient construit un peu à l’écart de leur longue maison de fête, une plus petite hutte pour abriter notre campement. Nous allons y séjourner une petite semaine et suivre avec attention les préparatifs des festivités.
Quelques jours avant le rassemblement, tout le village et quelques voisins viennent pour collecter les « savoureuses » larves de capricornes qui grouillent dans les troncs des sagoutiers en décomposition dans la forêt environnante. Ce sont des kilos et des kilos qui seront rapportés dans la longue maison. Conditionné dans des feuilles de palmiers, elles seront dégustées par les invités, soit crues soit cuites aux fours à pierres chaudes.
Dans l’après-midi du jour J, les invités arrivent progressivement par groupe ou clan. Ils annoncent leurs arrivées en frappant leurs arcs contre les racines aériennes des artocarpus géants qui peuplent la jungle. En forêt, le son porte loin et impressionne quiconque est ennemi.
Ils arrivent pour la plupart dans leur tenue traditionnelle, c'est-à-dire nu, quelques-uns le nez percé de longues épines de plus de 10cm, d’autres qui ont déjà été au contact du monde moderne sont affublés de lunettes, de vieux teeshirts, ou de shorts cachés sous des pagnes de fibres, mais ils sont toujours avec leurs arcs et leurs flèches pour les hommes, leurs filets pour les femmes.
Une ambiance très, très spéciale pour ce jour de fête primitive commence à se répandre dans le village. Les simulacres de charges piétinées des groupes d’hommes vociférant ou les danses des femmes se succèderont même sous la pluie, entre de brèves pauses le temps de se faire des ventrées de larves de capricornes. Deux ou trois tambours scanderont toute la soirée et la nuit les chants (les cris ?) des participants au banquet. La lueur des feux et la fumée donne à la longue maison une allure dantesque avec la gesticulation des corps dégingandés des guerriers nus.
Dans une région à l’habitat clairsemé, les fêtes du Sagou sont très prisées. C’est une rare occasion de rassembler plusieurs dizaines de Korowai et leur permettre de tisser de nouveaux liens.
Le lendemain matin comme les invités nous prendrons le chemin du retour, le son des chants lancinants joués toute la nuit encore dans nos oreilles.
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